Vieux ordis : tirez la prise !

L

e Mac est bien connu pour sa longévité. Certes, il tombe en panne, comme n’importe quel aspirateur, ouvre-boîte ou rasoir électrique, mais dans l’ensemble il est plutôt bien construit. La génération actuelle brille par une qualité de fabrication qui se démarque des atroces mochitudes concurrentes et a considérablement progressé depuis l’époque des coques en polycarbonate.

La durée de vie d’un ordinateur est officiellement de trois ans, au-delà desquels il est considéré comme amorti par l’administration et n’a plus aucune valeur fiscale. En pratique, on en voit rester en service beaucoup plus longtemps, cinq, six ans, parfois plus.

Pendant ce temps, la technique continue d’évoluer. Les processeurs de base ont aujourd’hui quatre cœurs, équivalant en pratique à disposer de quatre processeurs fonctionnant de concert. Les disques durs sont en voie de laisser place aux SSD, beaucoup plus véloces. La connectique change aussi, le port Thunderbolt qui équipe la nouvelle génération permettra — enfin ! — de copier des données volumineuses sans poireauter des heures, là où l’USB et le FireWire sont à la peine.

MacD’une génération à l’autre, les différences sont soigneusement limitées par les constructeurs pour ne pas créer d’effet de fracture. Le progrès doit rester… progressif. Il y a beaucoup de raisons à cette prudence :

  • Tout doit suivre. Le système d’exploitation est mis à jour pour utiliser les nouveaux composants, tout en conservant sa compatibilité avec les générations plus anciennes. Les applications aussi doivent être mises à jour. Les fabricants tiers doivent proposer des solutions qui exploitent les nouvelles possibilités (aujourd’hui, inutile de chercher un disque externe en Thunderbolt, rien n’est encore disponible).
  • Si la génération en cours se démarque trop radicalement de la précédente, les acheteurs de ladite précédente se sentent lésés, à juste titre. Acheter un ordinateur et découvrir trois mois après qu’il a été remplacé par une bête de course, tout en restant au même prix, a de quoi agacer.

Le rythme de sortie des nouvelles générations est tout autant contrôlé par les constructeurs. Tantôt les ordis de bureau, tantôt les portables, mais l’un dans l’autre, le renouvellement est constant et intervient globalement tous les ans par vagues successives. Peu ou prou, si l’on fait abstraction de ce saupoudrage sur les douze mois, chaque année voit une nouvelle génération d’ordinateurs, dans toutes les marques.

Si l’on compare un modèle actuel avec celui de l’année précédente, grâce à ce fin dosage, la différence sera perceptible mais le propriétaire du précédent ne se sentira pas floué. En revanche, à deux ans, l’ordinateur montre clairement son âge et la comparaison fait apparaître beaucoup de changements. C’est bien sûr d’autant plus vrai à trois ans et plus.

La conclusion est simple : un ordi de deux ans devient obsolète, et à trois ans c’est un vrai boulet.

Un boulet, vraiment ?

Il est intéressant de comparer la stratégie d’achat d’un ordinateur avec celle d’une voiture. On trouve deux comportements assez répandus : ceux qui achètent leur voiture neuve ou presque, puis la conservent le plus longtemps possible jusqu’à ce qu’elle tombe en poussière de rouille, et ceux qui revendent régulièrement pour racheter d’occasion à coût constant, dans le but d’avoir toujours un véhicule assez récent.

Garantie étendue, ou pas ?

AppleCare — chez Apple, mais tous les constructeurs proposent l’équivalent — est une extension à trois ans de la garantie. L’option est chère lors de l’achat initial, mais on peut la considérer comme un coût mensuel réparti sur les vingt-quatre mois d’extension. Elle ne revient finalement qu’à une douzaine d’euros par mois et assure que les trois ans d’amortissement se passeront sans anicroche. L’ordinateur est garanti durant toute sa durée de vie “raisonnable”.

Une autre tactique, un peu plus fatigante mais intéressante, est de revendre l’ordinateur systématiquement au bout de onze mois. Il est encore sous garantie pour son second acheteur (ce qui est un fort argument de revente à bon prix), et celui-ci peut à son gré acheter un AppleCare, puisque c’est possible jusqu’à la fin de la garantie normale. Avantage pour le premier acheteur : il dispose en permanence d’un Mac tout neuf et il économise AppleCare. Inconvénient, le temps à passer pour cette gestion de revente et de rachat en cycles courts… et fastidieux.

Curieusement on voit les mêmes approches vis-à-vis de l’informatique, alors même que celle-ci évolue beaucoup plus vite que l’automobile. Si une voiture de douze ans est toujours compatible avec les routes, les carburants, les accessoires actuels, ce n’est absolument pas le cas d’un ordinateur, qui devient rapidement incapable de suivre l’évolution des systèmes et des applications, puisque ces évolutions sont justement permises par celles du hardware.

Du coup, lorsqu’on veut garder un vieil ordinateur, il n’y a guère d’autre solution que de ne pas le faire évoluer, le figer sur les versions de système et d’applications qui lui conviennent. Là, il pourra rester en service longtemps. Mais il y a un autre inconvénient, et de taille : le reste du monde. Quelqu’un vous envoie un document ? Votre version de l’application est trop ancienne pour le lire. Votre imprimante a rendu l’âme ? La nouvelle n’est pas reconnue car le pilote est manquant, et lorsque vous l’avez laborieusement trouvé sur Internet, son installation échoue car votre système est trop ancien. Vous visitez un site web tout neuf ? Aucune chance, il ne marchera pas pour vous.

Le Mac est bien connu aussi pour demander moins de maintenance : on bosse avec, pendant que d’autres sont contraints de pratiquer quotidiennement l’IAO. Mais lorsqu’un Mac vieillit au-delà du raisonnable, le temps perdu à le maintenir en état de fonctionner doit être pris en considération comme un coût réel. À un certain point, il est beaucoup plus simple de le mettre à la retraite même s’il fonctionne encore, et de le remplacer par un tout neuf. À chacun de juger du moment opportun. Les trois ans d’amortissement ne sont pas indiqués au hasard : lorsqu’il est amorti, il ne vaut effectivement plus rien… à tous égards.

Bref, et c’était le propos de ce billet : si vos Mac ont plus de trois ans et que votre compta est partie aux fraises, inutile de m’appeler. 🙂