Nouveau cycle

Ces derniers jours, plusieurs personnes m’ont écrit pour me faire partager leurs sentiments après le décès de Steve Jobs, et s’enquérir des miens. J’avoue avoir du mal à entrer dans cette danse, même si j’étais, comme beaucoup de mes amis, un inconditionnel de ses keynotes et de sa capacité incroyable à y créer de l’émotion. Bien des artistes tueraient pour en avoir le dixième.

Mais la mort, pour moi, ce n’est pas cette occasion d’orgies eulogiaques (d’eulorgies ?), c’est trop tard, il fallait l’élire président du monde de son vivant. La mort est par nature quelque chose de privé, de familial, d’intime, et finalement de strictement personnel. Parler à la mort de quelqu’un a bien peu d’intérêt, il n’y a pas besoin de l’attendre pour parler de sa vie, et la mort ne fait pas disparaître ce qu’il en a fait.

Tout a été dit sur Jobs : le fond et la forme, la technique et l’esthétique, l’émotion et le business. Il y a d’autres paradoxes chez Apple, comme cette image tenace d’une technologie verrouillée alors même que le cœur du système est en open source, ou encore cette réalité toute simple : la musique distribuée sur iTunes n’est plus protégée depuis belle lurette, on sait maintenant que cette protection tant décriée n’était qu’une carotte pour les majors.

N’en rajoutons pas. Un nouveau cycle va commencer, et bien malin qui peut prédire. Les inventions inspirées continueront certainement sur leur lancée au moins quelques temps. Ensuite, n’importe quoi peut arriver. Peut-être que Foxconn rachètera Apple en 2020. Ou Samsung fatiguée de courir après. Ou l’inverse. Allez savoir…

On peut regretter que Jobs soit resté un focus-freak à ce point, qu’Apple ne se soit pas intéressée à d’autres secteurs. C’était sans doute nécessaire. Toutefois il y a des précédents intéressants de grand écart sectoriel comme Yamaha, aussi hégémonique avec ses motos qu’avec ses instruments de musique. Par sa puissance financière, Apple pourrait investir d’autres champs dans le futur et y apporter sa touche magique, comme elle l’a réalisé en débarquant dans le monde ronronnant de la téléphonie il y a cinq ans à peine. Quand on regarde autour de soi, on voit tant de choses aussi mal conçues que les téléphones d’avant : télévisions, électroménager, domotique (quelle domotique ?), voitures… il reste beaucoup, beaucoup de grain à moudre.

Je l’avoue, j’aimerais trouver dans mon lave-linge le même souci du détail et la même qualité. J’aimerais ne plus voir sur mon autoradio des boutons portant des libellés incompréhensibles (mais c’est quoi “PTY” ?), ni s’afficher l’heure de Paris en AM/PM. Il est difficile d’accepter que le reste ne suive pas, que des gens persistent à se battre contre leur ordi à longueur de temps, à devoir ressortir le manuel pour régler leur chauffage ou faire chauffer un plat dans un micro-onde. La liste est infinie.

Il y a du boulot. Comment on dit ça en anglais déjà ? Je ne voulais pas entrer dans la danse, mais comment ne pas l’écrire ? C’est sûr qu’il est mort trop tôt et qu’il nous manquera, à tous.

Dans cette longue liste de trucs pas finis, on trouve aussi les synthétiseurs. Autant la modélisation a atteint une qualité extraordinaire (hello Arturia !), autant les instruments peinent à suivre. Apple a créé une application très bien pensée pour la scène, Mainstage, et quelques excellents plugins sonores. J’utilise depuis quelques temps en concert le piano électrique de GarageBand, avec un excellent résultat : son énorme, latence très faible, fiabilité parfaite. Il ne manque qu’un bon clavier… quel dommage… (j’en reparlerai.)